1) Vous êtes spécialiste et chercheuse en matière d’immigration. De quoi est-ce que vous vous occupez en particulier ?
Je suis géographe et sociologue et j'aime à me définir également comme « migratologue ». A la suite d'Hervé Domenach, je définis la « migratologie » comme un champ de spécialisation interdisciplinaire qui aurait acquis une certaine autonomie dans les trente dernières années autour des questions liées aux migrations. Aujourd'hui, je travaille sur plusieurs questions : la dimension spatiale des questions migratoires en Europe du Sud, le genre et les migrations, les politiques migratoires et leur impact sur les trajectoires des migrantes et des migrants dans l'espace euro-méditerranéen, les espaces publics des villes sud-européennes en lien avec les migrations.
2) Quelles sont les raisons que vous ont poussées à vous occuper d’immigration ?
J'ai commencé à m'intéresser aux migrations de façon un peu fortuite. Historienne de formation, je travaillais sur les relations euro-méditerranéennes, l'histoire contemporaine des relations entre l'Europe du Sud et le Maghreb. Je suis partie pour un séjour de recherche à Naples pendant ma maîtrise et je me suis rendue compte que le sujet de l'immigration, en particulier celui de l'immigration maghrébine en Italie, était trop peu travaillé. Un phénomène en particulier a attiré ma curiosité : la présence de nombreux petits commerçants dans une région spécifique de l'agglomération de Naples, l'area vesuviana (zone vésuvienne). Je suis allée mener une enquête dans la petite ville de Poggiomarino, située dans la périphérie orientale de Naples: à l'époque plusieurs centaines de Marocains y vivaient pour une population de 20 000 habitants, et j'ai travaillé sur les modalités d'insertion de cette population de petits colporteurs à l'échelle locale dans un contexte qui était beaucoup plus familier avec l'émigration qu'avec l'immigration. J'ai également fait du terrain au Maroc dans les villages d'origine de ces migrants marocains, dans les régions du Tadla et du plateau des phosphates. Depuis je n'ai plus "lâché" le thème des migrations. J'ai eu la chance de bénéficier de la formation qui existait dans les années 2000 entre Migrinter et l'Urmis, qui permettait d'acquérir une formation pluridisicplinaire sur les questions migratoires. J'ai travaillé ensuite sur les entrepreneurs chinois. Et j'ai continué pendant assez longtemps à travailler à Naples sur les questions de commerce et d'entrepreneuriat puisque ma thèse, soutenue en 2004, portait également sur ces questions. En 2005 j'ai collaboré avec le sociologue Marzio Barbagli sur un projet pionner à l'époque sur les deuxièmes générations en Italie.
3) En cherchant des informations sur la politique d’immigration en France, j’ai eu la possibilité de remarquer que plusieurs données statistiques réalisées au niveau national et concernant le nombre des immigrés réellement présents dans le territoire français sont souvent imparfaites et exagérées (par exemple, le nombre des « étrangers irréguliers » n’est pas pris en compte et on arrive souvent à compter les citoyens ayant une double nationalité, comme celle française et celle du pays d’origine, deux fois). Cette tendance contribue à donner une fausse vision du phénomène aux yeux de la société française et à augmenter un sentiment de peur vers les « immigrés ». Est-ce qu’on peut dénoter une situation analogue en Italie ? Est-ce qu’une désinformation ou une mal-information à propos des flux migratoires réels peut d’une certaine façon contribuer à diffuser un sentiment de crainte et de haine envers les immigrés ? Qu’est-ce qu’on pourrait faire en Italie pour améliorer la perception que la population a des immigrés ?
Je ne suis pas spécialiste de cette question mais il est clair que le gouvernement actuel et en particulier le ministre de l'intérieur joue sur cette peur quant il évoque constamment l'invasion que subirait l'Italie. Après ce qui me choque surtout c'est le contraste entre les chiffres des passages (qui sont, on le sait, de plus en plus réduits) ou encore des demandes d'asile (qui n'est pas si élevée au regard d'autres pays européens) et les propos des politiques. Malheureusement cette rhétorique de la peur, qui alimente le sentiment d'invasion n'est pas nouvelle, elle change simplement d'objet. En Italie, dès les années 1990, de très beaux travaux montraient comment c'était, à l'époque, l'Albanais qui était la figure de l'altérité qui concentrait ces peur (Dal Lago, "Non Persone", 1999). Aujourd'hui c'est le sub-saharien. La situation n'est pas si différente en France: il suffit de voir le succès rencontré par le livre de Stephen Smith, un livre fondé sur des extrapolations peu correctes scientifiquement comme l'a montré François Héran, mais qui a contribue à nourrir la peur de l'invasion.
C'est un cercle vicieux. Les politiques jouent sur la peur et les gens ont peur. Comme les politiques ont peur que les gens leur reproche de ne pas être suffisamment répressifs avec les migrants, ils mettent l'emphase sur les politiques (et l'annonce de politiques) répressives et dissuasives. Des politiques de gauche ou de centre-gauche sont également responsables. C'était le cas de Minniti en Italie qui a noué un accord avec la Libye dont on voit aujourd'hui les conséquences mortifères. Comme je suis géographe de formation, ce qui m'intéresse c'est également comment on produit des géographies de la peur, comment on construit l'image de la frontière, d'une frontière assiégée. J'ai beaucoup travaillé sur la façon dont ça s'est fait à partir des îles notamment, en particulier dans le cadre du projet ANR Babels (voir Babels, Méditerranée: frontières à la dérive). Et il faut aussi voir quel est l'impact de ces discours et de ces politiques sur la vie concrète des gens; sur les trajectoires de migrants qui vivent sans cesse dans la menace de l'expulsion, ce que Nick de Genova nomme la "deportability".
4) Les partis européens d’extrême droite, ayant une politique nationaliste et anti-immigration, deviennent de plus en plus fort au niveau européen. Pourquoi y a-t-il un si grand sentiment de peur et de haine vers les immigrés?
Certaines études tendant à montrer que la proximité et les échanges entre populations immigrées et populations locales peuvent aider à réduire les préjugés. En Allemagne, par exemple, les mouvements d'extrême droit proviennent souvent des régions les moins touchés par l'immigration. Mais en Italie c'est un peu différent. Ce qui fonctionne, apparemment ce sont les expériences positives, qui renforcent tout à la fois une forme de fierté locale liée à l'accueil (comme à Riace) et vont dans le sens de l'inclusion. Mais il y a aussi un travail de longue haleine à faire en termes de recherche, d'éducation et plus globalement de prise de conscience, notamment sur les impensés en termes d'histoire coloniale et de rapports sociaux de race, comme l'a bien montré la chercheuse Sabrina Marchetti.
5) La politique d’immigration est gérée de façon autonome de la part de chaque pays de l’Union, même s’il y a des lignes guides au niveau européen. A votre avis, une plus grande collaboration au niveau européen dans la gestion des flux migratoires serait-elle nécessaire? Si oui, qu’est-ce que pourrait-elle faire l’Europe concrètement à ce propos ?
Oui notamment en termes d'asile, les pays européens n'ont pas su organiser la solidarité, la relocalisation des réfugiés arrivées en Grèce et en Italie. La seule politique sur laquelle ils parviennent à s'accorder est celle de la coopération avec les pays tiers pour le contrôle des flux en amont. Les Etats européens sont aujourd'hui directement responsable du drame qui se joue en Méditerranée avec le blocage de Sea Eye et Sea Watch. Cette paralysie face à quelques dizaines de migrants serait risible si elle n'était pas si tragique.
6) Récemment a eu lieu à Marrakech le Global Compact for Migration et le gouvernement italien a décidé de ne pas y participer. Qu’est-ce que vous pensez de cette prise de position ?
Ce n'est bien sûr pas étonnant connaissant les positions de Monsieur Salvini. Le retrait d'un certain nombre d'Etats du Global Compact marque bien la difficulté pour les Etats de penser de critères (pourtant minimalistes dans le cas du global compact) communs de gestion des flux. En réponse à cet échec des Etats, nous avons appelé à la constitution d'un réseau d'experts sur les migrations et l'asile, avec Virginie Guiraudon et Helene Thiollet (voir "Spécialistes des migrations, unissons notre expertise!").
Je suis géographe et sociologue et j'aime à me définir également comme « migratologue ». A la suite d'Hervé Domenach, je définis la « migratologie » comme un champ de spécialisation interdisciplinaire qui aurait acquis une certaine autonomie dans les trente dernières années autour des questions liées aux migrations. Aujourd'hui, je travaille sur plusieurs questions : la dimension spatiale des questions migratoires en Europe du Sud, le genre et les migrations, les politiques migratoires et leur impact sur les trajectoires des migrantes et des migrants dans l'espace euro-méditerranéen, les espaces publics des villes sud-européennes en lien avec les migrations.
2) Quelles sont les raisons que vous ont poussées à vous occuper d’immigration ?
J'ai commencé à m'intéresser aux migrations de façon un peu fortuite. Historienne de formation, je travaillais sur les relations euro-méditerranéennes, l'histoire contemporaine des relations entre l'Europe du Sud et le Maghreb. Je suis partie pour un séjour de recherche à Naples pendant ma maîtrise et je me suis rendue compte que le sujet de l'immigration, en particulier celui de l'immigration maghrébine en Italie, était trop peu travaillé. Un phénomène en particulier a attiré ma curiosité : la présence de nombreux petits commerçants dans une région spécifique de l'agglomération de Naples, l'area vesuviana (zone vésuvienne). Je suis allée mener une enquête dans la petite ville de Poggiomarino, située dans la périphérie orientale de Naples: à l'époque plusieurs centaines de Marocains y vivaient pour une population de 20 000 habitants, et j'ai travaillé sur les modalités d'insertion de cette population de petits colporteurs à l'échelle locale dans un contexte qui était beaucoup plus familier avec l'émigration qu'avec l'immigration. J'ai également fait du terrain au Maroc dans les villages d'origine de ces migrants marocains, dans les régions du Tadla et du plateau des phosphates. Depuis je n'ai plus "lâché" le thème des migrations. J'ai eu la chance de bénéficier de la formation qui existait dans les années 2000 entre Migrinter et l'Urmis, qui permettait d'acquérir une formation pluridisicplinaire sur les questions migratoires. J'ai travaillé ensuite sur les entrepreneurs chinois. Et j'ai continué pendant assez longtemps à travailler à Naples sur les questions de commerce et d'entrepreneuriat puisque ma thèse, soutenue en 2004, portait également sur ces questions. En 2005 j'ai collaboré avec le sociologue Marzio Barbagli sur un projet pionner à l'époque sur les deuxièmes générations en Italie.
3) En cherchant des informations sur la politique d’immigration en France, j’ai eu la possibilité de remarquer que plusieurs données statistiques réalisées au niveau national et concernant le nombre des immigrés réellement présents dans le territoire français sont souvent imparfaites et exagérées (par exemple, le nombre des « étrangers irréguliers » n’est pas pris en compte et on arrive souvent à compter les citoyens ayant une double nationalité, comme celle française et celle du pays d’origine, deux fois). Cette tendance contribue à donner une fausse vision du phénomène aux yeux de la société française et à augmenter un sentiment de peur vers les « immigrés ». Est-ce qu’on peut dénoter une situation analogue en Italie ? Est-ce qu’une désinformation ou une mal-information à propos des flux migratoires réels peut d’une certaine façon contribuer à diffuser un sentiment de crainte et de haine envers les immigrés ? Qu’est-ce qu’on pourrait faire en Italie pour améliorer la perception que la population a des immigrés ?
Je ne suis pas spécialiste de cette question mais il est clair que le gouvernement actuel et en particulier le ministre de l'intérieur joue sur cette peur quant il évoque constamment l'invasion que subirait l'Italie. Après ce qui me choque surtout c'est le contraste entre les chiffres des passages (qui sont, on le sait, de plus en plus réduits) ou encore des demandes d'asile (qui n'est pas si élevée au regard d'autres pays européens) et les propos des politiques. Malheureusement cette rhétorique de la peur, qui alimente le sentiment d'invasion n'est pas nouvelle, elle change simplement d'objet. En Italie, dès les années 1990, de très beaux travaux montraient comment c'était, à l'époque, l'Albanais qui était la figure de l'altérité qui concentrait ces peur (Dal Lago, "Non Persone", 1999). Aujourd'hui c'est le sub-saharien. La situation n'est pas si différente en France: il suffit de voir le succès rencontré par le livre de Stephen Smith, un livre fondé sur des extrapolations peu correctes scientifiquement comme l'a montré François Héran, mais qui a contribue à nourrir la peur de l'invasion.
C'est un cercle vicieux. Les politiques jouent sur la peur et les gens ont peur. Comme les politiques ont peur que les gens leur reproche de ne pas être suffisamment répressifs avec les migrants, ils mettent l'emphase sur les politiques (et l'annonce de politiques) répressives et dissuasives. Des politiques de gauche ou de centre-gauche sont également responsables. C'était le cas de Minniti en Italie qui a noué un accord avec la Libye dont on voit aujourd'hui les conséquences mortifères. Comme je suis géographe de formation, ce qui m'intéresse c'est également comment on produit des géographies de la peur, comment on construit l'image de la frontière, d'une frontière assiégée. J'ai beaucoup travaillé sur la façon dont ça s'est fait à partir des îles notamment, en particulier dans le cadre du projet ANR Babels (voir Babels, Méditerranée: frontières à la dérive). Et il faut aussi voir quel est l'impact de ces discours et de ces politiques sur la vie concrète des gens; sur les trajectoires de migrants qui vivent sans cesse dans la menace de l'expulsion, ce que Nick de Genova nomme la "deportability".
4) Les partis européens d’extrême droite, ayant une politique nationaliste et anti-immigration, deviennent de plus en plus fort au niveau européen. Pourquoi y a-t-il un si grand sentiment de peur et de haine vers les immigrés?
Certaines études tendant à montrer que la proximité et les échanges entre populations immigrées et populations locales peuvent aider à réduire les préjugés. En Allemagne, par exemple, les mouvements d'extrême droit proviennent souvent des régions les moins touchés par l'immigration. Mais en Italie c'est un peu différent. Ce qui fonctionne, apparemment ce sont les expériences positives, qui renforcent tout à la fois une forme de fierté locale liée à l'accueil (comme à Riace) et vont dans le sens de l'inclusion. Mais il y a aussi un travail de longue haleine à faire en termes de recherche, d'éducation et plus globalement de prise de conscience, notamment sur les impensés en termes d'histoire coloniale et de rapports sociaux de race, comme l'a bien montré la chercheuse Sabrina Marchetti.
5) La politique d’immigration est gérée de façon autonome de la part de chaque pays de l’Union, même s’il y a des lignes guides au niveau européen. A votre avis, une plus grande collaboration au niveau européen dans la gestion des flux migratoires serait-elle nécessaire? Si oui, qu’est-ce que pourrait-elle faire l’Europe concrètement à ce propos ?
Oui notamment en termes d'asile, les pays européens n'ont pas su organiser la solidarité, la relocalisation des réfugiés arrivées en Grèce et en Italie. La seule politique sur laquelle ils parviennent à s'accorder est celle de la coopération avec les pays tiers pour le contrôle des flux en amont. Les Etats européens sont aujourd'hui directement responsable du drame qui se joue en Méditerranée avec le blocage de Sea Eye et Sea Watch. Cette paralysie face à quelques dizaines de migrants serait risible si elle n'était pas si tragique.
6) Récemment a eu lieu à Marrakech le Global Compact for Migration et le gouvernement italien a décidé de ne pas y participer. Qu’est-ce que vous pensez de cette prise de position ?
Ce n'est bien sûr pas étonnant connaissant les positions de Monsieur Salvini. Le retrait d'un certain nombre d'Etats du Global Compact marque bien la difficulté pour les Etats de penser de critères (pourtant minimalistes dans le cas du global compact) communs de gestion des flux. En réponse à cet échec des Etats, nous avons appelé à la constitution d'un réseau d'experts sur les migrations et l'asile, avec Virginie Guiraudon et Helene Thiollet (voir "Spécialistes des migrations, unissons notre expertise!").
1) Lei è una specialista e ricercatrice in materia di immigrazione. Di cosa si occupa in particolare?
Sono una geografa e sociologa e mi piace definirmi anche "migratologa". Seguendo Hervé Domenach, definisco la "migratologia" come un campo di specializzazione interdisciplinare che ha acquisito una certa autonomia negli ultimi trent'anni sulle questioni legate alla migrazione. Oggi sto lavorando su diversi temi: la dimensione spaziale delle questioni migratorie nell'Europa meridionale, il genere e la migrazione, le politiche migratorie e il loro impatto sulle traiettorie dei migranti nell'area euro-mediterranea, gli spazi pubblici delle città del Sud d'Europa in relazione alla migrazione.
2) Quali sono state le ragioni che l'hanno spinta ad occuparsi d'immigrazione?
Ho iniziato ad interessarmi alle migrazioni in un modo piuttosto fortuito. Storica di formazione, ho lavorato sulle relazioni euro-mediterranee, sulla storia contemporanea delle relazioni tra l'Europa meridionale e il Maghreb. Sono partita per un soggiorno di ricerca a Napoli durante il mio Master e mi sono resa conto che il tema dell'immigrazione, in particolare quello dell'immigrazione del Maghreb in Italia, era troppo poco studiato. Un fenomeno in particolare ha attirato la mia curiosità: la presenza di molti piccoli commercianti in una specifica regione dell'agglomerato urbano di Napoli, la Vesuviana (area vesuviana). Ho condotto un'indagine nella piccola città di Poggiomarino, alla periferia orientale di Napoli: all'epoca vi vivevano diverse centinaia di marocchini per una popolazione di 20.000 abitanti, e ho lavorato sulle modalità di integrazione di questa popolazione di piccoli commercianti ambulanti a livello locale in un contesto che era molto più familiare all'emigrazione che all'immigrazione. Ho anche lavorato sul campo in Marocco, nei villaggi di origine di questi migranti marocchini, nelle regioni di Tadla e dell'altopiano dei fosfati. Da allora, non ho mai "abbandonato" il tema della migrazione. Ho avuto la fortuna di beneficiare della formazione che esisteva negli anni 2000 tra Migrinter e Urmis, che mi ha permesso di acquisire una formazione multidisciplinare sulle questioni migratorie. Poi ho lavorato su imprenditori cinesi. E ho continuato a lavorare per molto tempo a Napoli sui temi del commercio e dell'imprenditorialità, poiché la mia tesi, discussa nel 2004, si è occupata anche di questi temi. Nel 2005 ho collaborato con il sociologo Marzio Barbagli ad un progetto pionieristico sulle seconde generazioni in Italia.
3) Nel ricercare informazioni sulla politica d'immigrazione in Francia, ho avuto modo di notare che diversi dati statistici prodotti a livello nazionale riguardanti il numero di immigrati effettivamente presenti sul territorio francese sono spesso imperfetti ed esagerati (ad esempio, il numero di "stranieri irregolari" non viene preso in considerazione e spesso è possibile contare due volte cittadini con "doppia nazionalità", come quella francese e quella del paese d'origine). Questa tendenza contribuisce a dare una visione falsa del fenomeno agli occhi della società francese e ad aumentare il sentimento di paura nei confronti degli "immigrati". Possiamo denotare una situazione simile in Italia? La mal-informazione o la disinformazione sui flussi migratori reali può in qualche modo contribuire a diffondere un sentimento di paura e odio verso gli immigrati? Cosa si potrebbe fare in Italia per migliorare la percezione degli immigrati da parte della popolazione?
Non sono un'esperta in materia, ma è chiaro che l'attuale governo, e in particolare il Ministro dell'Interno, gioca su questa paura quando parla costantemente dell'invasione che l'Italia subirebbe. Ciò che mi sconvolge di più è il contrasto tra le cifre delle entrate (che, come sappiamo, sono sempre più basse) o delle domande di asilo (che non sono così elevate rispetto ad altri paesi europei) e le parole dei politici. Purtroppo, questa retorica della paura, che alimenta il sentimento di invasione, non è nuova, ma cambia semplicemente il suo oggetto. In Italia, a partire dagli anni Novanta, opere molto belle hanno dimostrato come, all'epoca, fosse l'albanese la figura dell'alterità a concentrare queste paure (Dal Lago, "Non Persone", 1999). Oggi è colui che proviene dall'Africa subsahariana. La situazione non è così diversa in Francia: basta guardare al successo del libro di Stephen Smith, un libro basato su estrapolazioni scientificamente scorrette, come ha dimostrato François Héran, ma che ha contribuito ad alimentare la paura dell'invasione.
È un circolo vizioso. I politici giocano sulla paura e la gente ha paura. Dal momento che i politici hanno paura che la gente li incolpi per non essere abbastanza repressivi con i migranti, propongono e attuano politiche repressive e dissuasive. Anche i politici di sinistra o di centro-sinistra sono responsabili. È stato il caso di Minniti in Italia, che ha concluso un accordo con la Libia, le cui conseguenze terribili sono ora visibili. In quanto geografa di formazione, ciò che mi interessa è anche comprendere come vengano prodotte "geografie della paura", come si costruisca l'immagine del confine, di un confine assediato. Ho lavorato molto, in particolare nel quadro del progetto ANR Babels (si veda Babels, Méditerranée: frontières à la dérive), su come questo è stato fatto soprattutto dalle isole. Dobbiamo anche vedere che impatto hanno questi discorsi e queste politiche sulla vita delle persone; sulle traiettorie dei migranti che vivono costantemente sotto la minaccia dell'espulsione, quella che Nick da Genova chiama "deportability".
4) I partiti europei di estrema destra, con una politica nazionalista e anti-immigrazione, stanno diventando sempre più forti a livello europeo. Perché c'è un sentimento così forte di paura e odio nei confronti degli immigrati?
Alcuni studi suggeriscono che la vicinanza e gli scambi tra gli immigrati e le popolazioni locali possono contribuire a ridurre i pregiudizi. In Germania, ad esempio, i movimenti di estrema destra provengono spesso dalle regioni meno colpite dall'immigrazione. Ma in Italia è un po' diverso. Ciò che funziona, a quanto pare, sono le esperienze positive, che rafforzano l'orgoglio locale legato al fenomeno dell'accoglienza (come nel caso di Riace) e vanno nella direzione dell'inclusione. Ma c'è anche una lunga strada da percorrere in termini di ricerca, di educazione e, più in generale, di consapevolezza, soprattutto se si pensa in termini di storia coloniale e di relazioni sociali razziali, come ha chiaramente dimostrato Sabrina Marchetti.
5) La politica di immigrazione è gestita autonomamente da ogni paese dell'Unione, anche se esistono linee guida a livello europeo. A suo parere, sarebbe necessaria una maggiore collaborazione a livello europeo nella gestione dei flussi migratori? In caso affermativo, cosa potrebbe fare in pratica l'Europa al riguardo?
Sì, in particolare per quanto riguarda l'asilo, i paesi europei non sono riusciti ad organizzare la solidarietà e il trasferimento dei rifugiati arrivati in Grecia e in Italia. L'unica politica su cui possono essere d'accordo è quella della cooperazione con i paesi terzi per il controllo dei flussi a monte. Gli Stati europei sono ora direttamente responsabili della tragedia che si sta svolgendo nel Mediterraneo con il blocco di Sea Eye e Sea Watch. Questa paralisi di fronte a poche decine di migranti sarebbe ridicola se non fosse così tragica.
6) Recentemente a Marrakech ha avuto luogo il Global Compact for Migration e il governo italiano ha deciso di non partecipare. Cosa ne pensa di questa presa di posizione?
Questo non sorprende, naturalmente, viste le posizioni di Salvini. Il ritiro di alcuni Stati dal Global Compact evidenzia la difficoltà per gli Stati di pensare a criteri comuni (anche se minimalisti nel caso del Global Compact) per la gestione dei flussi. In risposta a questo fallimento degli Stati, abbiamo chiesto la creazione di una rete di esperti in materia di migrazione e asilo, con Virginie Guiraudon e Helene Thiollet (si veda "Specialisti della migrazione, uniamo le nostre competenze!").
Sono una geografa e sociologa e mi piace definirmi anche "migratologa". Seguendo Hervé Domenach, definisco la "migratologia" come un campo di specializzazione interdisciplinare che ha acquisito una certa autonomia negli ultimi trent'anni sulle questioni legate alla migrazione. Oggi sto lavorando su diversi temi: la dimensione spaziale delle questioni migratorie nell'Europa meridionale, il genere e la migrazione, le politiche migratorie e il loro impatto sulle traiettorie dei migranti nell'area euro-mediterranea, gli spazi pubblici delle città del Sud d'Europa in relazione alla migrazione.
2) Quali sono state le ragioni che l'hanno spinta ad occuparsi d'immigrazione?
Ho iniziato ad interessarmi alle migrazioni in un modo piuttosto fortuito. Storica di formazione, ho lavorato sulle relazioni euro-mediterranee, sulla storia contemporanea delle relazioni tra l'Europa meridionale e il Maghreb. Sono partita per un soggiorno di ricerca a Napoli durante il mio Master e mi sono resa conto che il tema dell'immigrazione, in particolare quello dell'immigrazione del Maghreb in Italia, era troppo poco studiato. Un fenomeno in particolare ha attirato la mia curiosità: la presenza di molti piccoli commercianti in una specifica regione dell'agglomerato urbano di Napoli, la Vesuviana (area vesuviana). Ho condotto un'indagine nella piccola città di Poggiomarino, alla periferia orientale di Napoli: all'epoca vi vivevano diverse centinaia di marocchini per una popolazione di 20.000 abitanti, e ho lavorato sulle modalità di integrazione di questa popolazione di piccoli commercianti ambulanti a livello locale in un contesto che era molto più familiare all'emigrazione che all'immigrazione. Ho anche lavorato sul campo in Marocco, nei villaggi di origine di questi migranti marocchini, nelle regioni di Tadla e dell'altopiano dei fosfati. Da allora, non ho mai "abbandonato" il tema della migrazione. Ho avuto la fortuna di beneficiare della formazione che esisteva negli anni 2000 tra Migrinter e Urmis, che mi ha permesso di acquisire una formazione multidisciplinare sulle questioni migratorie. Poi ho lavorato su imprenditori cinesi. E ho continuato a lavorare per molto tempo a Napoli sui temi del commercio e dell'imprenditorialità, poiché la mia tesi, discussa nel 2004, si è occupata anche di questi temi. Nel 2005 ho collaborato con il sociologo Marzio Barbagli ad un progetto pionieristico sulle seconde generazioni in Italia.
3) Nel ricercare informazioni sulla politica d'immigrazione in Francia, ho avuto modo di notare che diversi dati statistici prodotti a livello nazionale riguardanti il numero di immigrati effettivamente presenti sul territorio francese sono spesso imperfetti ed esagerati (ad esempio, il numero di "stranieri irregolari" non viene preso in considerazione e spesso è possibile contare due volte cittadini con "doppia nazionalità", come quella francese e quella del paese d'origine). Questa tendenza contribuisce a dare una visione falsa del fenomeno agli occhi della società francese e ad aumentare il sentimento di paura nei confronti degli "immigrati". Possiamo denotare una situazione simile in Italia? La mal-informazione o la disinformazione sui flussi migratori reali può in qualche modo contribuire a diffondere un sentimento di paura e odio verso gli immigrati? Cosa si potrebbe fare in Italia per migliorare la percezione degli immigrati da parte della popolazione?
Non sono un'esperta in materia, ma è chiaro che l'attuale governo, e in particolare il Ministro dell'Interno, gioca su questa paura quando parla costantemente dell'invasione che l'Italia subirebbe. Ciò che mi sconvolge di più è il contrasto tra le cifre delle entrate (che, come sappiamo, sono sempre più basse) o delle domande di asilo (che non sono così elevate rispetto ad altri paesi europei) e le parole dei politici. Purtroppo, questa retorica della paura, che alimenta il sentimento di invasione, non è nuova, ma cambia semplicemente il suo oggetto. In Italia, a partire dagli anni Novanta, opere molto belle hanno dimostrato come, all'epoca, fosse l'albanese la figura dell'alterità a concentrare queste paure (Dal Lago, "Non Persone", 1999). Oggi è colui che proviene dall'Africa subsahariana. La situazione non è così diversa in Francia: basta guardare al successo del libro di Stephen Smith, un libro basato su estrapolazioni scientificamente scorrette, come ha dimostrato François Héran, ma che ha contribuito ad alimentare la paura dell'invasione.
È un circolo vizioso. I politici giocano sulla paura e la gente ha paura. Dal momento che i politici hanno paura che la gente li incolpi per non essere abbastanza repressivi con i migranti, propongono e attuano politiche repressive e dissuasive. Anche i politici di sinistra o di centro-sinistra sono responsabili. È stato il caso di Minniti in Italia, che ha concluso un accordo con la Libia, le cui conseguenze terribili sono ora visibili. In quanto geografa di formazione, ciò che mi interessa è anche comprendere come vengano prodotte "geografie della paura", come si costruisca l'immagine del confine, di un confine assediato. Ho lavorato molto, in particolare nel quadro del progetto ANR Babels (si veda Babels, Méditerranée: frontières à la dérive), su come questo è stato fatto soprattutto dalle isole. Dobbiamo anche vedere che impatto hanno questi discorsi e queste politiche sulla vita delle persone; sulle traiettorie dei migranti che vivono costantemente sotto la minaccia dell'espulsione, quella che Nick da Genova chiama "deportability".
4) I partiti europei di estrema destra, con una politica nazionalista e anti-immigrazione, stanno diventando sempre più forti a livello europeo. Perché c'è un sentimento così forte di paura e odio nei confronti degli immigrati?
Alcuni studi suggeriscono che la vicinanza e gli scambi tra gli immigrati e le popolazioni locali possono contribuire a ridurre i pregiudizi. In Germania, ad esempio, i movimenti di estrema destra provengono spesso dalle regioni meno colpite dall'immigrazione. Ma in Italia è un po' diverso. Ciò che funziona, a quanto pare, sono le esperienze positive, che rafforzano l'orgoglio locale legato al fenomeno dell'accoglienza (come nel caso di Riace) e vanno nella direzione dell'inclusione. Ma c'è anche una lunga strada da percorrere in termini di ricerca, di educazione e, più in generale, di consapevolezza, soprattutto se si pensa in termini di storia coloniale e di relazioni sociali razziali, come ha chiaramente dimostrato Sabrina Marchetti.
5) La politica di immigrazione è gestita autonomamente da ogni paese dell'Unione, anche se esistono linee guida a livello europeo. A suo parere, sarebbe necessaria una maggiore collaborazione a livello europeo nella gestione dei flussi migratori? In caso affermativo, cosa potrebbe fare in pratica l'Europa al riguardo?
Sì, in particolare per quanto riguarda l'asilo, i paesi europei non sono riusciti ad organizzare la solidarietà e il trasferimento dei rifugiati arrivati in Grecia e in Italia. L'unica politica su cui possono essere d'accordo è quella della cooperazione con i paesi terzi per il controllo dei flussi a monte. Gli Stati europei sono ora direttamente responsabili della tragedia che si sta svolgendo nel Mediterraneo con il blocco di Sea Eye e Sea Watch. Questa paralisi di fronte a poche decine di migranti sarebbe ridicola se non fosse così tragica.
6) Recentemente a Marrakech ha avuto luogo il Global Compact for Migration e il governo italiano ha deciso di non partecipare. Cosa ne pensa di questa presa di posizione?
Questo non sorprende, naturalmente, viste le posizioni di Salvini. Il ritiro di alcuni Stati dal Global Compact evidenzia la difficoltà per gli Stati di pensare a criteri comuni (anche se minimalisti nel caso del Global Compact) per la gestione dei flussi. In risposta a questo fallimento degli Stati, abbiamo chiesto la creazione di una rete di esperti in materia di migrazione e asilo, con Virginie Guiraudon e Helene Thiollet (si veda "Specialisti della migrazione, uniamo le nostre competenze!").